Jean-Pol Tassin: Les coulisses du cerveau (2022)

résumé par Ph. Cattiez

 PROLOGUE

Un enfant a conscience d’être lui-même lorsqu’il se reconnaît dans le miroir.

Découverte en 1970 du système mésocortical dopaminergique, c’est-à-dire la voie neuronale qui va du mésencéphale jusqu’au cortex préfrontal. La schizophrénie était vue comme un dysfonctionnement de régulation de dopamine, libérée de façon excessive.

Découverte aussi des antidépresseurs et des benzodiazépines.

Mais critique de ne travailler en neurobiologie que sur l’animal puisque « il n’y a pas de rats schizophrènes ».

Mais peut-on établir des ponts entre recherche pharmacologique et moléculaire sur le cerveau et la psychanalyse ?

  1. COMMENT SE MANIFESTE L’INCONSCIENT ?

Les lapsus

Traitement analogique

Le moteur du rire

Notre cerveau fonctionne selon deux modes : le mode cognitif, conscient, et le mode analogique, inconscient.

L’humour et les jeux de mots utilisent le mode analogique.

L’adulte utilise davantage le mode cognitif alors que l’enfant utilise essentiellement le mode analogique. Voilà pourquoi l’adulte rit quand on réveille sa mémoire analogique, c’est-à-dire ce qu’il a enregistré sans y penser.

Le tout-petit absorbe enregistre tous les signaux, chaque signal s’imprime en souvenir sans traitement conscient. Tout est traité en mode analogique pur, mais plus tard, l’enfant analyse les informations et commence à développer un mode cognitif. Mais jusqu’à 5/6 ans, l’enfant ne rit pas des plaisanteries de l’adulte. Les traces analogiques doivent être souvent répétées pour s’imprimer profondément dans le cerveau. Les enfants aiment qu’on leur répète souvent la même histoire, surtout en n’y changeant pas un seul mot, sans quoi, on l’obligerait à quitter son mode analogique. Vers 10 ans, l’enfant a acquit le mode cognitif, et éclate de rire lorsque l’humour le fait « chuter » dans l’analogique. Selon Rabelais, le rire est le propre de l’homme, il possède les deux traitements : analogique et cognitif.

Les préjugés

La première impression face à la différence peut provoquer des stéréotypes analogiques, des réactions réflexes qui peuvent persister même si elles ne sont pas en accord avec le comportement cognitif que nous efforçons de tenir.

Les pathologies qui révèlent l’inconscient

Nous sommes sensibles aux émotions d’un visage, triste au gai, ce qui provoque une contagion émotionnelle. Nous pouvons voir sans avoir conscience de voir.

En cas de prosopagnosie, la personne ne reconnaît plus les visages, même de ses proches, mais si la reconnaissance consciente disparaît, un reconnaissance inconsciente subsiste. Celle-ci est mesurée par conductance sur la paume de la main qui permet d’évaluer l’émotion ressentie lors de la présentation de visages de proches. La prosopagnosie est liée à des lésions du système de la reconnaissance explicite, consciente, mais épargnerait la reconnaissance implicite, inconsciente. Ceci confirme que l’implicite inconscient fait partie intégrante du fonctionnement des circuits cérébraux.

Autre exemple : l’héminégligence

Les outils de psychologues

John Ridley Stroop a démontré dans les années 30 que lorsque l’on demande à un sujet d’indiquer la couleur des lettres d’un mot indiquant une couleur, la réponse est plus rapide lorsque le mot est conforme à la couleur des lettres. En cas d’incohérence (bleu écrit en rouge), le déchiffrage est plus long, vu un conflit cognitif qui ralentit l’identification.
Les images subliminales, non perçues consciemment, influent les réponses, et révèlent l’inconscient mis à l’œuvre.

Il existe donc bien des preuves d’un ou plusieurs inconscients, mais l’inconscient que révèle le lapsus a-t-il le même fonctionnement que celui de l’effet de Stroop ?

  • PREMIERE APPROCHE DE L’INCONSCIENT

Le mode analogique inconscient est rapide mais peut produire des erreurs ; le mode cognitif nécessite un traitement conscient, il est plus lent mais il est plus fiable.

John Höpfield a proposé en 1982 un modèle de réseau de neurones.

Les neurones réunis en réseaux se comportent comme des systèmes de molécules qui interagissent en modifiant leurs comportements respectifs. Les neurones s’organisent selon un modèle semblable aux structures cristallines ; les souvenirs pourraient être stockés selon l’organisation des cristaux, dont les atomes occupent des positions précises et forment un ensemble organisé. De même, chaque neurone est un élément particulier mais aussi un élément constituant un tout.

La construction des souvenirs

Pour apprendre à rouler à vélo, l’enfant enregistre ses sensations : équilibre, position, vitesse, etc … Ces informations sont stockées dans ses réseaux de neurones,  et à force de rouler avec succès, ces informations s’impriment dans le cerveau. D’abord il fait attention, ensuite il roule sans y penser. Cet inconscient sous-tend la mémoire procédurale, et est figé.

A chaque souvenir correspond un réseau de neurones.

Pour qu’un souvenir s’imprime, il doit laisser naissance à ce que l’on peut appeler un bassin attracteur. Lorsque un enfant voit une pomme, il active un réseau de neurones essentiellement visuels pour la forme et la couleur. Ensuite, des neurones codant le goût et la texture s’associent au réseau des neurones visuels. Progressivement, ce réseau finit par être associé au concept pomme. Puis d’autres réseaux s’associent encore, ceux des émotions lorsqu’il s’agit de la tarte aux pommes de la grand-mère.

C’est l’entrée répétée d’une même information qui donne naissance à un souvenir. La quantité d’informations n’est limitée que par le nombre de neurones qui composent le système. Si l’on présente au système une partie quelconque d’un souvenir, il converge vers un état stable qui tend à restituer le souvenir dans sa totalité : chaque souvenir correspond à un état d’énergie minimale. C’est un bassin attracteur. Un bassin attracteur attire vers un souvenir stocké les informations qui s’y rapportent et les y agrège. Ce modèle rend compte de deux caractéristiques essentielles du système nerveux central : la propriété de traiter les informations en parallèle, et celles de reconstituer à partir d’éléments épars une information complète. Ainsi, nous reconnaissons un visage de façon instantanée, sans reconstituer les différents constituants de ce visage.

Chaque réseau de neurones associé à un souvenir est un bassin attracteur, que l’on peut symboliser par un filet de maillage serré qui se creuse à mesure que le souvenir se construit, comme si le concept creusait son empreinte dans le filet, et l’empreinte sera d’autant plus profonde en fonction de la confrontation au concept. Un bassin attracteur est donc l’image du lien qui existe entre un ensemble de neurones et un souvenir particulier. Plus le souvenir se grave dans le cerveau, plus le poids synaptique augmente. Les connexions deviennent si solides qu’elles sont considérées comme acquises. Plus un bassin attracteur est profond, plus il est stable, gravé dans la mémoire. On peut imaginer qu’il existe plusieurs milliers de neurones par bassin. La fabrication d’un bassin correspond à la phase où un souvenir est stocké en analogique, c’est-à-dire encore dans l’inconscient. Le bassin attracteur de faire du vélo est profond, et l’enfant ne réfléchit pas.

Mais comment le cerveau procède-t-il pour rappeler à la conscience un souvenir ?

C’est en activant le réseau de neurones associés. Les connexions d’un bassin attracteur profond sont si fortes qu’il suffit de quelques neurones activés pour que l’ensemble du réseau le soit instantanément.

Exemple de lecture de mots avec des lettres placées dans le désordre. On en rit car notre mode analogique est sollicité par ce désordre de lettres. Mais malgré ce désordre, les mots sont associés dans une phrase qui finit par avoir du sens par activation des bons bassins attracteurs : le mot incorrect active le bassin attracteur correct. Quelques éléments saillants d’un mot incorrect suffisent à activer les bassins attracteurs d’un mot correct. Et alors une succession de mots corrects émerge en cognitif et la phrase se révèle signifiante.

Quelques éléments d’un tout suffisent à activer le sens.

L’inconscient utilise un mode analogique : il est constitué d’une collection de bassins attracteurs, mais ce sont surtout les liens entre les bassins qui sont importants.

Lorsque l’on lit université, il existe un bassin attracteur correspondant, qui est acquis pour toujours, parce que l’inconscient cognitif n’est pas dynamique. En revanche, les liens entretenus avec université évoluent constamment et sont régis par les émotions. L’inconscient cognitif s’est débarassé de toutes émotions et il se fige. Un enfant apprend à rouler à vélo avec beaucoup d’émotion, mais lorsque la procédure est acquise, l’émotion disparaît, car il s’agit d’un apprentissage procédural.

Nous oscillons toujours entre le mode analogique rapide et le mode cognitif lent.

Lorsque l’on parle, l’enchaînement des mots est analogique, non conscient : je pense à ce que je dis mais pas aux mots que j’utilise.

Mais un mécanisme essentiel est le phénomène de remodelage. Pour qu’un bassin attracteur puisse être remodifié, il faut l’intervention de l’émotion. Les bassins attracteurs sont fabriqués dans un contexte émotionnel particulier, mais certains perdent leur côté émotionnel et se figent. C’est ainsi que l’on peut reconnaître un mot, même mal orthographié. Mais les noms propres sont plus difficiles à mémoriser, car leur indexation (mémorisation) ne passe pas forcément par l’émotion. Celle-ci est surtout provoquée par le visage, le contexte, sympathie, etc …, mais pas par le nom (qui n’émeut pas).

L’efficacité du traitement analogique présente aussi des faiblesses. Puisqu’il suffit de quelques neurones pour que tout un bassin attracteur soit modifié, le risque d’erreur est élevé. Supposons que quelques neurones fassent partie de deux réseaux différents, associés à des souvenirs différents, l’un ou l’autre des bassins attracteurs peut être activé, on se situe sur un ligne de crête avec l’évocation d’un souvenir, soit correct, soit erroné. Ces erreurs vont alors modifier les deux bassins du fait de leur proximité partielle, et les deux stimuli risquent d’être considérés comme identiques vu la confusion de bassins. Exemples :

Dès la naissance, les perceptions puis les actes moteurs sont catégorisés avec le temps. Un enfant de moins de deux ans qui accède au langage ne comprend pas immédiatement que le chat avec qui il joue ne peut dialoguer avec lui comme un camarade ; car les caractéristiques du chat et du camarade convergent vers un même bassin attracteur. Seul un traitement cognitif avec la maturation cérébrale permettra de séparer les deux catégories : le camarade parle et répond, mais pas le chat. Les deux bassins attracteurs seront séparés et seront activés, tantôt en présence soit d’un autre enfant ou soit d’un animal.

Autre exemple de crête entre deux bassins : la fée et la sorcière. Toutes deux ont un chapeau pointu et un longue robe. Pour avoir accès au bon bassin, il faut avoir accès à la baguette ou au balai. Plus tard, de telles confusions peuvent se retrouver, notamment lors de reconnaissance de visage. Mais le blanc et le noir permettent de re-différencier.

Il faut au moins deux stimulations simultanées pour qu’un bassin attracteur se forme.

Un bassin attracteur nécessite que plusieurs paramètres soient associés, car s’il n’y a qu’un seul paramètre, il ne peut y avoir d’association. Par exemple, une lumière rouge seule ne correspond à rien ; par contre si elle apparaît dans un feu de signalisation, elle participe à un bassin attracteur qui annonce l’obligation d’arrêter. Et pour que l’association soit solide, il faut une composante émotionnelle, ici la frustration vraisemblable. L’ensemble peut donner un bassin attracteur.

Si les stimulations sont différées, le traitement devient cognitif.

C’est un des points fondamentaux du modèle : le traitement analogique crée des liens entre des événements qui ont lieu simultanément, car les cellules du réseau sont stimulées ensemble. Et les liens qui relient les cellules activées sont renforcés, alors que les liens entre les cellules activées et celles qui ne le sont pas sont affaiblis.

Or le traitement cognitif permet de maintenir actif un bassin pendant un temps sufisamment long pour que d’autres paramètres qu’il ne contenait pas puissent lui être associés. Le nouveau bassin contient des éléments analogiques du premier bassin et des élémnets nouveaux apparus plus tard.

Avec l’exemple de la fée et de la sorcière, chacun des deux bassins se complètera avec le fait que l’une est gentille et l’autre méchante, deux caractérisitiques émotionnelles qui participent à la stabilisation de chaque bassin. L’ensemble donne deux bassins attracteurs, analogiques par définition, mais qui sont « mâtinés de cognitif », c’est-à-dire qui sont passés par un traitement cognitif plus ou moins long, avant de redevenir des bassins purement analogiques.

La mémoire de travail

Mémoire qui permet de retenir des informations a priori sans intérêt, tel un code, le temps de le composer, puis on l’oublie dès qu’il n’est plus utile. Tant qu’il est nécessaire, il reste présent, il fait appel à un traitement cognitif.

Le système cognitif ne peut rester actif que quelques secondes ; il se crée des bassins attractifs entre deux événements séparés de ces quelques secondes.

Les informations maintenues à la conscience (en cognitif), tant que la mémoire de travail est active, sont soit oubliées (code, pas d’intérêt), soit transmises en analogique (inconscient) pour y créer des bassins attracteurs. Les informations font des allers et retours entre analogique et cognitif. En cas de doute, on choisit le bassin attracteur le plus pertinent en fonction du contexte. Mais en absence de traitement cognitif suffisamment élaboré, on choisit selon des critères analogiques. Par exemple, un enfant qui ne comprend pas un mot aura tendance à prendre une autre mot du bassin attracteur le plus proche, par homonymie.

A la naissance, le cerveau du nouveau-né est pourvu d’un certain nombre de bassins attracteurs innés qui régulent les besoins naturels, mais aussi besoins de caresses, sensations et attention, sinon il risque de devenir sauvage (expérience de l’Empereur du Saint Empire, Frédéric II : Ursprache).

La mère active les bassins innés à partir desquels le nouveau-né fabrique d’innombrables bassins modifiables en utilisant un traitement exclusivement analogique. Vers en an et demi ou deux ans, le traitement cognitif apparaît grâce au développement progressif des structures cérébrales , mais aussi par la mise en place des neurotransmetteurs (NA , 5HT , DA) qui modulent le fonctionnement du cerveau. Ainsi le tout-petit a une immense capacité à mémoriser tout ce qu’il découvre par ses sens et expériences. Mais avant deux ans, tout est mémorisé en analogique sans traitement cognitif : il n’a pas conscience de ses expériences. Or pour qu’un souvenir soit rappelé à la conscience, il doit être traité en cognitif, il faut en avoir eu conscience, ne serait-ce que quelques secondes. L’amnésie infantile d’avant deux ou trois ans s’expliquerait donc par le fait que le tout-petit traite toutes ses informations en analogique, sans en avoir conscience.

Les informations sont d’abord stockées en analogique, puis reviennent en cognitif pour y être traitées, puis sont renvoyées en analogiques pour devenir des souvenirs.

Inversement, un événement que l’on mémorise sans en avoir conscience ne peut être ramené à la conscience que par le biais d’associations verbales ou transferts affectifs. Mais ces souvenirs peuvent être modifiés par les allers et retours entre analogique et cognitif.

Le refoulement

Le mécanisme selon lequel les souvenirs ne pourraient réapparaître qu’à condition d’être passés par le cognitif avant d’être stockés en analogique expliquerait l’amnésie infantile (cfr plus haut), mais également le refoulement : un souvenir est refoulé lorsqu’il reste bloqué en analogique après avoir été traité en cognitif, mais sans que l’on puisse le rappeler à la conscience. C’est la difficulté d’accessibilité qui explique le refoulement. Les souvenirs refoulés sont envoyés dans des bassins très profonds. Il s’agirait d’une impossibilité de réactivation des bassins attracteurs correspondant à l’événement en cause. Les souvenirs ne peuvent réapparaître que fortuitement ou lors d’émotions analogues.

Les souvenirs stockés en analogique sont régulièrement re-présentés en cognitif, puis réexpédies en analogique, mais ces oscillations s’accompagnent de pertes. Il faut préserver l’essentiel. Lorsque l’on regarde un château, on ne se souvient plus du nombre de fenêtres en cognitif, mais bien du symbole château stocké en analogique.

Le traitement analogique rapide échappe presque totalement à notre conscience, tandis que le traitement cognitif modifie les éléments stockés en analogique en fonction de différents critères propre à chaque individu, métaboliques, affectifs, géographiques, temporels, etc …

Si nous avons l’impression de traiter les événements surtout en cognitifs, en fait ce sont les traitements analogiques qui représentent l’essentiels du fonctionnement du cerveau.

Alors que la durée d’activation d’un bassin est de l’ordre de 60 msec, le traitement cognitif est beaucoup plus lent, puisqu’il réactive un bassin et le maintient en fonction durant au minimum 300 msec. L’inconscient (analogique) traite les bassins pendant 60 msec, et alors, s’ils ne sont pas réactivés, les bassins attracteurs s’éteignent ; mais si un bassin reste activé suffisamment, il permet un traitement cognitif et l’événement devient conscient.

L’analogique est rapide et moins fiable, à l’inverse du cognitif.

Plus un bassin correspond à un événement important, plus il est profond et stabilisé, plus il est dur à être retravaillé et difficile à faire réapparaître à la conscience. Il peut être déformé,  il peut être refoulé (exemple de récit d’un même événement raconté différemment par les deux partenaires d’un couple).


Le transfert

Le transfert s’apparente à une confusion des bassins attracteurs. L’analyste prend un sens en tombant dans un des bassins relationnels profond, p.ex : père ; mère, ou même ami très cher… en fonction de ce qui se joue dans la cure.

Idem avec ce que l’on projette dans toutes les relations humaines.

Le stress post-traumatique

Outre ce manque de fiabilité, le système est parfois débordé comme lors de chocs émotionnels violents, qui peuvent se traduire en PTSD.

Lors d’un tel événement, le traitement analogique prend le dessus, et le traitement cognitif qui devrait prendre le dessus est court-circuité : l’inconscient est immédiatement conditionné. Cela crée des bassins attracteurs extrêmement profonds et vastes qui absorbent les événements vécus (bruits, cris, …) ainsi que les émotions. Pendant longtemps, dès que les émotions associées à de tels bassins attracteurs sont réactivées, les bassins attracteurs associés au choc est lui-même réactivé, et avec lui toutes les réactions physiologiques délétères : peur, angoisse, sudation, tachycardie, … Pour soulager un stress post-traumatique, il faut combler cet énorme bassin attracteur, faire revenir le souvenir traumatique pour le ramener au cognitif afin que le sujet puisse en prendre conscience, l’analyser, afin qu’il perde son caractère angoissant. L’inconscient peut être comparé à un champ, dans lequel peut se trouver un immense cratère provoqué par une bombe, le traumatisme. Ce cratère est un bassin attracteur qui attire tout élément proche et semblable, même minime, mais associé au traumatisme, et fait apparaître des crises d’angoisse et d’anxiété sans cause apparente. Le traitement cognitif est perturbé. Plus les souvenirs sont réactivés, plus le bassin se stabilise.

Lors d’un viol, l’amygdale, centre de la peur est activé. Les échanges entre le cortex et l’amygdale s’interrompent, si bien que le premier ne peut plus contrôler le second. L’amygdale prend le pouvoir. Les femmes se retrouvent dans une situation de traitement analogique, elles ne parviennent plus à effectuer un traitement cognitif (ndlr : l’amygdale bloque le cognitif) qui permettrait de modifier le bassin attracteur associé au choc. L’inactivation de l’amygdale est difficile, ce qui peut avoir des conséquences lors de rapports sexuels.

Un tel stress entraînerait des modifications épigénétiques, favorisant une vulnérabilité au stress sans cause, et l’amygdale est activée sans cesse.

Par les TCC, un nouveau bassin peut se construire sur le bassin figé et le masque. Mais il n’est pas exclu que ce camouflage puisse faire réapparaître de nouveaux symptômes.

La psychanalyse opère différemment. En réactivant certains bassins attracteurs, la psychanalyse permet des associations qui peuvent amener le patient vers des bassins plus accessibles et plus facilement modifiables. Le stress deviendra moins insupportable.

Une approche physiologique existe au Canada. On administre du propanolol au patient traumatisé lorsque celui-ci raconte et donc revit son traumatisme. Le rythme cardiaque se ralentit, et on bloque ainsi l’association traumatisme et tachycardie. Le patient raconte son récit traumatique mais sans tachycardie, le bassin change, et l’émotion est neutralisée.

En résumé, lorsqu’un événement est trop violent, les informations sont directement dirigées dans l’inconscient, et il sera difficile de les faire sortir de leurs bassins attracteurs pour qu’elles soient traitées au niveau cognitif avant d’être renvoyée en analogique.

Les événement inconscients sont évanescents, et lorsqu’ils arrivent à la conscience, ils ne s’y maintiennent pas longtemps. L’inconscient est dynamique, non figé, ni immuable, il est sans cesse travaillé ; et pourtant se maintient toute la vie.

  • LE SOMMEIL ET LES RËVES : DES FENÊTRES SUR L’INCONSCIENT

Ne peut être appelé « rêve » un souvenir qui atteint la conscience. Il n’y a pas de rêve sans conscience, donc sans états d’éveil a minima, des microréveils. Un des pionniers de l’étude du sommeil est Claude Bernard de Lyon qui a analysé les différentes phases de sommeil (EEG).

Les phases du sommeil.

Le sommeil lent est composé de phases légères 1 et 2, puis de phases profondes 3 et 4 ; le rythme de l’EEG passe de 8 à 5, puis de 4 à 2 c/sec. Puis survient la phase paradoxale décrite: le rythme s’accélère, proche à celui de l’éveil, avec atonie musculaire, à l’exception des yeux en mouvements rapides, le REM. Ces mouvements oculaires correspondaient, selon Michel Jouvet, aux phases de rêves. Effectivement, lorsque l’on réveille la personne à ce moment, il raconte souvent un rêve. Mais on sait à présent que le dormeur peut raconter un rêve en dehors des phases de REM. Cependant une différence de contenu s’observe : durant les phases de sommeil lent, les rêves sont plus cohérents, alors qu’ils sont plus oniriques durant le sommeil paradoxal.

Lorsque Jouvet supprimait le sommeil paradoxal chez l’animal, celui-ci présentait des troubles de la coordination motrice. Il en déduisait que l’absence de rêve induisait la folie. En détruisant deux petites zones inhibant les activités motrices du cerveau du chat, l’activité motrice persiste, et le chat adopte un comportement de chasse. Les animaux, dont les zones motrices avaient été détruites, étaient en mode analogique pur, inconscient, avec des mouvements stéréotypés analogues à ceux observés durant les phases de somnanbulisme.

Or le somnanbulisme n’apparaît pas durant le sommeil paradoxal, mais en première partie de nuit durant le sommeil très profond, période où le système moteur fonctionne.

Durant le sommeil lent, l’activité des neurones du tronc cérébral diminue ou s’arrête, alors que celle des neurones du cortex cérébral  ne décroît quasi pas. Si durant l’éveil, un neurone se comporte plus ou moins indépendamment des autres, durant le sommeil profond, des groupes de neurones cérébraux contigus synchronisent leur activité, de sorte que les ondes cérébrales ont une amplitude plus grande que durant l’éveil. Le cerveau fonctionne au ralenti et permet d’économiser de l’énergie.

Durant le sommeil paradoxal, comme durant l’éveil, les neurones ne se synchronisent pas et gardent une amplitude faible. Dans les régions du cerveau antérieur et dans le tronc cérébral, les neurones sont aussi actifs que durant l’éveil et communiquent autant avec les autres, de sorte que le cerveau consomme autant d’énergie que durant l’éveil. Des neurones exécutifs du tronc cérébral dont le neurotransmetteur est l’acétylcholine seraient responsable du sommeil paradoxal.

Il existe des patients souffrant d’un dégénérescence des neurones responsables de l’inhibition motrice durant le sommeil paradoxal : le dormeur bouge et peut même se lever. Ces patients se rappellent de leurs mouvements effectués durant leur rêve, par exemple des battements de leurs coudes leur faisant penser qu’ils étaient des oiseaux. Cette pathologie peut évoluer vers la maladie de Parkinson. On peut se demander si ce ne sont pas ces mouvements incontrôlés qui induisent des microéveils et des rêves, et non pas l’inverse.

Les microéveils

Certains spécialistes considèrent que l’on rêve de manière ininterrompue quelques soient les phases de sommeil. Il est plus exact de dire que c’est le traitement analogique qui a lieu pendant toute la nuit. Pour qu’il y ait rêve, il faut qu’il y ait conscience du rêve, et par conséquent état de conscience, c’est-à-dire traitement cognitif, donc éveil ; en fait des microéveils. Chaque dormeur, même bon, fait 10 à 20 microéveils par nuit, dont il ne se souvient pas, chacun durant de 300 msec à quelques secondes. Pour raconter un rêve, il faut un microéveil. Si le microéveil est trop furtif, le sujet n’a pas le temps de passer au traitement cognitif et ne rapporte aucun rêve. Au cours du microéveil, le traitement qui était analogique cède la place au cognitif. La brièveté du phénomène ne garantit pas que tous les éléments aient été correctement traités, et le cerveau se débrouille pour trouver une certaine cohérence, sans que le rêveur ne remarque les incohérences du rêve.

Il est possible que l’émotion de la veille favorise la naissance d’un rêve. Les émotions jouent un facteur essentiel dans tous les processus de réactivation, parfois erronés, des bassins attracteurs.

Les gros rêveurs sont plus sensibles aux facteurs extérieurs de sorte qu’ils sont plus facilement tirés de leur sommeil. Il y a bien un lien entre microéveils et rêves. Si un microéveil est déclenché par une perception extérieure (bruit, lumière, sensation de froid ou de chaud, odeur, …), cette perception active un ou plusieurs bassins attracteurs qui lui sont liés : le sujet, conscient pendant quelques centaines de msec est capable de « vivre » un rêve dont le scénario est extrêmement rapide, et les scènes « manquantes » sont comblées pour tenter de donner un maximum de cohérence à l’ensemble.

Mais les microéveils apparaissent aussi sans aucune intervention extérieure, et le rêve correspond alors à ce qui était traité en analogique à ce moment là.

Les neuromodulateurs jouent rôle important durant le sommeil. L’activité de la dopamine est ralentie mais ne s’arrête pas. L’activité de la sérotonine et la noradrénaline diminue pendant le sommeil lent et cesse durant le sommeil paradoxal. Vu que la sérotonine et la noradrénaline sont nécessaires pour le traitement cognitif, cela signifie que seul le traitement analogique est à l’œuvre pendant le sommeil paradoxal et en partie pendant le sommeil lent, phase durant laquelle les souvenirs accumulés au cours de l’état de veille sont réactivés en analogique.

Les neurones ne peuvent cesser de libérer leurs neuromodulateurs pendant plus d’une vingtaine de minutes, sinon ils dégénèrent. Dès lors, il faut que les systèmes s’activent au moins toutes les vingt minutes. En l’absence d’activité, les cellules se dépolarisent. Pour qu’elles se repolarisent, des ions potassium doivent y rentrer et des ions sodium en ressortir. Ce phénomène a lieu de façon régulière et entraîne une activation de ces neurones, et une libération relativement brutale de leurs neuromodulateurs ; ces activations sont associées aux microéveils.

Contenu et durée des rêves

Au début du sommeil lent, l’activité des neurones neuromodulateurs libèrent la sérotonine et la noradrénaline diminue sans être nulle, de sorte que le traitement cognitif n’est pas interrompu : le contenu des rêves sera encore réaliste. Cette activité cesse avec le sommeil paradoxal, avec un traitement analogique : le contenu des rêves sera incohérent, avec accès des éléments de notre inconscient. On restitue des éléments de bassins attracteurs profonds (donc analogiques) entraînant des éléments de bassins moins profonds (récents). Les rêves sont un mélange d’histoires anciennes et récentes. Les bassins les plus facilement réactivés sont les bassins les plus profonds, les plus stables thermodynamiquement : leur état d’énergie est inférieur à ceux des bassins moins profonds. Les plus stables correspondent aux « trous » les plus profonds creusés dans le maillage représentant les bassins attracteurs.

Pendant le rêve, toutes les aires sensorielles sont activées er surtout les fibres visuelles, l’être humain est visuel. En fonction du signal qui crée l’éveil, on peut influencer le contenu du rêve. Freud a expliqué que le rêve est essentiellement un phénomène rétrograde, que le cerveau construit en quelques millisecondes. Le rêve se déroule entre l’événement électrophysiologique qui lui donne naissance et le moment où le sujet ouvre les yeux.

Le cerveau endormi ne fonctionne qu’en mode analogique, il n’a pas accès au temps. Pour évaluer le temps du rêve, nous n’avons à notre disposition que la période pendant laquelle notre cerveau a fonctionné en mode cognitif, c’est-à-dire les quelques instants qui suivent l’interruption du sommeil et qui précèdent le réveil proprement dit, avec l’ouverture des yeux. Un rêve serait ainsi une suite de plusieurs images qui s’enchaîneraient à la manière d’une bande dessinée. Chaque image durerait entre 60 et 100 millisecondes, un rêve pourrait correspondre à une vingtaine d’images, soit l’équivalent d’une ou  deux pages d’un album de Tintin. Une succession de plusieurs microéveils donne lieu à plusieurs rêves successifs donnant l’impression d’un rêve qui a duré plus longtemps.

Quand un rêve est récurrent, c’est qu’il réactive un bassin très profond. Et si un rêve est récurrent, le bassin qui lui correspond se creuse de plus en plus, comme s’il s’agissait d’un événement cognitif. Et plus le bassin se creuse, plus il est susceptible de se réactiver.

Une cellule nerveuse ne peut pas rester vivante si elle reste inactive trop longtemps (elle se dépolarise). Les réactivations sont indispensables à la survie des neuromodulateurs.

Du rêve au cauchemar

Pendant le sommeil paradoxal, le contrôe central du système neuro-végétatif se modifie. La perte de la régulation du système neuro-végétatif a une conséquence délétère : l’activation de certains bassins analogiques perturbe encore davantage les fonctions autonomes.

Alors que le cerveau fonctionne en traitement analogique, une accélération du rythme cardiaque ou une sudation intense peuvent être interprétées comme signaux de danger, ce qui déclenche un microéveil et donc un cauchemar. Ce n’est plus un élément extérieur qui réveille, mais c’est notre propre corps qui interrompt le sommeil. Les personnes qui souffrent d’apnée du sommeil font souvent le cauchemar d’être sous l’eau ou dans un tunnel. La réactivation d’un bassin est due à l’activation brutale de neurones neuromodulateurs, lesquels entraînerait le réveil et en ferait un cauchemar.

Les rêves prémonitoires ne sont que l’expression cognitive – consciente – de sensations analogiques et des perceptions inconscientes accumulées d’événements qui se préparaient. En fait, des rêves jugés comme potentiellement prémonitoires ne se réalisent … jamais. On oublie les rêves « prémonitoires » qui ne se réalisent jamais.

Les rêves lucides. Certaines personnes expliquent qu’elles peuvent contrôler leurs rêves et décider des événements qui vont se dérouler jusqu’à leur réveil définitif. Il est possible que les rêveurs lucides puissent retarder le passage de l’analogique au cognitif. Ils prolongeraient ainsi l’état intermédiaire qui les fait passer du sommeil à l’éveil.

  • LES NEUROMODULATEURS : DES ACTEURS ESSENTIELS

Le cerveau est constitué d’un ensemble complexe de circuits neuronaux qui s’organisent pour traiter les entrées sensorielles. La variété des comportements nécessite une sélection réalisée par un ensemble de neurones, les neurones modulateurs, superposé au premier circuit. Ces neurones ne représentent que 1/100.000è de cellules présentes dans le cerveau. Ils comprennent les neurones libérant la sérotonine, la noradrénaline, et la dopamine. Ces neurones apparaissent comme la cible principale des psychotropes, les antipsychotiques, les antidépresseurs ou les drogues.

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NDLR – conférence (à propos des rèves et microéveols) :

(Ce sont les neurones modulateurs qui permettent de passer de l’analogique au cognitif)

(pas de cognitif sans neuromodulateurs -> sommeil paradoxal sans neuromodulateurs)

(les neuromodulateurs, très fragiles, ont besoin d’arrêter de fonctionner pour récupérer, mais ne peuvent pas s’arrêter plus de 20 minutes, et doivent être réactivés physiologiquement, si bien que l’on se réveille une douzaine de fois par nuit, des microréveils lors des réactivations)

Les circuits de la récompense

Dans les mécanismes de dépendance, le système dopaminergique modifie un circuit particulier : le circuit de la récompense.

Le circuit de la récompense est actif lorsque l’on éprouve du plaisir de façon naturelle (manger, musique, paysages, rapports sexuels, …). Mais il est également activé lors de la consommation de drogue, dont la satisfaction peut être tellement intense qu’elle peut faire perdre toute sensation de faim ou de soif.

Le circuit de la dépendance est constitué du noyau accumbens, du septum, de l’amygdale, de l’hippocampe et du cortex frontal, sous la dépendance de neurones à dopamine.

Le cortex préfrontal est impliqué dans la focalisation de l’attention, l’amygdale pour les émotions, l’hippocampe comme régulateur de la mémoire, et le noyau accumbens joue un rôle d’interface entre les émotions et les sorties motrices. Toutes ces structures se projettent sur l’hypothalamus qui régule les fonctions neurovégétatives. L’aire tegmentale ventrale reçoit des informations de plusieurs régions cérébrales, dont l’hypothalamus, et transmet ses ordres au noyau accumbens et au reste du circuit de récompense.

Pour que le système de récompense donne satisfaction, il faut que la dopamine active suffisamment les systèmes corticaux pour qu’ils inhibent l’amygdale, plaque tournante de la peur. La cocaïne déclenche le plaisir, elle active les aires corticales libérant la dopamine, et d’autre part elle inhibe l’amygdale.

Aires du circuit de la récompense

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Les neurones noradrénergiques (amplificateurs) augmentent le rapport signal sur bruit. Ils mettent en relief le signal, renforcent la vigilance et la prise de conscience de l’événement. Ils creusent un bassin attracteur correspondant à l’événement associé tout en diminuant le diamètre et donc le nombre de paramètres associés ; tout comme deux interlocuteurs font plus attention à leur dialogue en ignorant les autres tout autour. Mais la réactivité des neurones à noradrénaline s’atténue lorsque le même stimulus se répète.

Contrairement, les neurones sérotoninergiques (protecteurs) diminuent le rapport signal sur bruit. Ils ne se désensibilisent pas en cas de stimuli identiques. Les événement saillants sont relativisés, ce qui permet de rester vigilant face à ce qui se passe autour. Ils protègent le SNC. Ils ne modifient pas le diamètre mais diminuent la profondeur des bassins attracteurs.

Les neurones dopaminergiques (décodeurs) réagissent à des stimuli qui ont acquis un sens au cours de la vie. Ils décodent les stimuli internes et externes et permettent une réponse aux entrées. Ils augmentent la diamètre des bassins attracteurs sans changer la profondeur des bassins attracteurs.

Les substances qui déclenchent du plaisir libèrent de la dopamine dans le noyau accumbens, à condition que l’amygdale soit désactivée. La désactivation de l’amygdale entraîne une disparition de la vigilance de la peur.

Dopamine : la star

La dopamine ne transmet pas de message, mais elle le module, plus efficace ou moins réactif. Le seul message que transmet la dopamine est « Modifiez votre réactivité ! ». Elle « décide » simplement quelles structures vont être activées, p.ex, le cortex ou une structure sous-corticale. Ce sont les GABA (acide gamma amino-butirique) et l’acide glutamique qui sont les principaux neuromédiateurs, respectivement inhibiteurs ou activateurs. Ils modulent les bassins qui seront plus ou moins activés.

Les systèmes modulateurs prennent en charge les informations sensorielles, et les font progresser vers l’avant du cortex. Le cortex stimule le système dopaminergique.

La dopamine crée une hiérarchie entre les structures sur lesquelles elles se projettent : vers le cortex frontal si les informations sont cognitives ou vers les structures limbiques si les informations sont d’ordre émotionnel. Elle indique les structures qui doivent être activées ou inactivées pour qu’un comportement final soit adapté.

Les opiacés, tels l’héroïne, libèrent relativement peu de dopamine.

Il existe un couplage entre noradrénaline et sérotonine, avec contrôle réciproque. Celui-ci est situé en amont dans le flux de l’information. Les neurones dopaminergiques suivent les instructions du couple noradrénaline – sérotonine. Car la noradrénaline renforce la vigilance et la sérotonine protège le SNC, de sorte que la vigilance ne devient anxiogène qu’au-delà du seuil où le contrôle par la sérotonine devient inefficace.

La prise répétée de drogues, tels l’amphétamine, la cocaïne, la morphine, l’alcool et même le tabac découple les neurones noradrénergiques des neurones sérotoninergiques qui protègent le système global. A mesure que les prises se répètent, le système se dérégule, et le sujet a des désirs violents et des pulsions qui ne sont plus limitées par la sérotonine.

L’activation de la dopamine fait passer de l’usage à l’abus, et le découplage noradrénaline – sérotonine fait passer de l’abus à la dépendance, vu que la « force sérotoninergique » ne contrôle plus. Reprendre  de la drogue permet un recouplage artificiel, avec soulagement temporaire, et explique la rechute.

Quand le plaisir de tuer devient une drogue

Des expériences ont montré que des souris préfèrent se battre avec un plus faible que de consommer de la cocaïne. Le système de récompense est activé par la violence faite à autrui. L’être humain craint les représailles, car l’amygdale est activée, et dès lors, il a peur ; et de surcroît, les principes culturels et moraux font que l’être humain ne tue pas ses congénères sauf cas pathologiques. Mais certains individus sont conditionnés pour ne pas avoir peur, l’amygdale n’est plus activée face au danger, de sorte qu’ils éprouvent un intense plaisir à tuer. La différence entre un terroriste et un tueur en série vient du fait que ce dernier réagit comme un toxicomane en manque et qui a besoin de sa drogue, alors que les terroristes sont pris dans une justification d’élimination de personnes opposées à leur cause, ce  qui leur évite la sensation de manque.

La régulation de la boucle (cortico-striato-pallido-)thalamo-corticale

Il existe un circuit qui relie le cortex, le striatum, le pallidum, le thalamus, jusqu’au cortex moteur et prémoteur (vers l’avant du cerveau).

A partir d’une aire sensorielle primaire (visuelle, auditive, …), l’information progresse à travers une série d’aires associatives, qui traitent les diverses entrées sensorielles. Il n’existe pas une voie unique reliant le cortex postérieur au cortex préfrontal, mais plusieurs voies collatérales, elles-mêmes connectées aux voies collatérales des autres modalités sensorielles. Un stimulus est analysé et classé selon ses propriétés. L’histoire du sujet intervient, et les connexions du système limbique, qui traite les composantes affectives, prennent toute leur importance. Tant que l’information ne présente pas de caractère de nouveauté, le traitement des messages se fait à des niveaux relativement « bas », c’est-à-dire par les aires primaires. Plus le message est nouveau et complexe, plus il sera traité par des aires corticales « élevées », telles que le cortex préfrontal.

Le cortex préfrontal a la propriété fondamentale de maintenir l’information active jusqu’à l’obtention d’une solution considérée comme satisfaisante. La persistance de l’information permet de l’analyser, de la modifier, et de la classifier. Les stimuli sont extraits du contexte immédiat, et cette étape semble indispensable à l’obtention d’une mémorisation consciente.

Maintenir ainsi des informations à la conscience autorise des retours vers un stock antérieur, et donc des comparaisons ; cette persistance offre la possibilité de simplifier les informations en ne gardant que des éléments essentiels, et prévoir des situations nouvelles. Elle autorise, l’abstraction, la symbolisation, l’anticipation. Le cortex préfrontal permet le traitement lent – cognitif – de l’information. Il ne peut cependant exercer sa fonction qu’à la suite de l’activation des neurones modulateurs, en particulier dopaminergiques.

Chez le nouveau-né, les systèmes de réceptions sensorielles sont fonctionnels. En revanche, les voies dopaminergiques, noradrénergiques et sérotoninergique – voies modulatrices – ne sont que très partiellement développées. Qui plus est, les voies associatives reliant les aires corticales primaires aux secondaires, aux aires associatives, et au cortex préfrontal ne sont pas encore matures. Pour que l’information soit transmise entre ces aires, il faut une myélinisation qui ne devient fonctionnelle qu’à partir de 2 ans, et qui se développe jusqu’à 25 ans. Voilà pourquoi chez le nouveau-né, l’information n’est que sur un « mode inconscient » analogique. Les informations atteignant les aires corticales sont recueillies par le système limbique sur un mode analogique, ce qui explique l’amnésie infantile. Les « souvenirs » ou apprentissage sont stockés en analogique sans traitement conscient, car le cortex préfrontal, indispensable au traitement conscient, n’est pas encore relié par des axones myélinisés aux aires associatives, et n’est que très partiellement innervé par les neurones modulateurs. Cette amnésie infantile ne signifie pas que les tous premiers souvenirs n’existent pas, mais plutôt que ce qui a été stocké ne permet pas un décodage conscient. En revanche, chez l’adulte, les deux types de traitements, analogiques et cognitifs, coexistent, passant de l’un à l’autre en l’état de veille. Lorsqu’un incohérence est détectée entre un événement perçu et celui qui était attendu – cette détection d’incohérence se fait nécessairement  par traitement analogique – le traitement cognitif est activé.A l’issue de ce traitement, les bassins attracteurs en jeu seraient modifiés pour devenir plus cohérents avec les stimulations.

Le fonctionnement de la boucle thalamo-corticale qui assure le traitement cognitif et analogique se compose de circuits neuronaux effecteurs et neuronaux modulateurs.

Les circuits effecteurs sont les plus nombreux, et sont dédiés au transport et au traitement des informations issues de l’environnement.Il existe environ une centaine de neurotransmetteurs synthétisés par les neurones effecteurs. Les plus nombreux sont les GABA (40% des neurones) et l’acide glutamique (40% des neurones), mais aussi l’acétyl-choline et les neuropeptides.

Les neurones qui synthétisent les monoamines primaires (dopamine, noradrénaline et sérotonine) forment un second circuit superposé aux neurones effecteurs. En fonction des situations,  ces neurones du second circuit superposé permettent d’activer des aires cérébrales pour une réponse adaptée aux stimulations.

Le thalamus envoie toutes les informations vers les aires qui les traitent : le cortex visuel, auditif, somato-sensoriel ; le système limbique (septum, amygdale, hippocampe) ; le système sous-cortical, le striatum et la boucle thalamo-corticale qui permet de réguler la motricité fine (striatum et pallidum pour le contrôle du mouvement).

Les signaux se propagent des aires situées à l’arrière du cerveau jusqu’au cortex antérieur. La boucle thalamo-corticale est régulée par les modulateurs.

Les neurones effecteurs sont myélinisés, rapides (20 à 50 m/s), et constituent l’essentiels des neurones. Les neurones modulateurs (DA, NA, 5HT) ne représentent que 0,001 % des neurones, ils sont lents (1 m/s), et modulent les structures qu’ils communiquent, par exemple, ils modulent l’activation de la boucle thalamo-corticale.

Métaphore de l’arbre pour comparer les neurones effecteurs et modulateurs : les feuilles seraient les aires corticales, et la sève des branches représenterait les modulateurs.

Autre métaphore : Les neurones effecteurs fonctionnent en téléphonie (point à point): les informations sont reçues n’importe où, mais ne se font qu’avec un numéro particulier entre deux interlocuteurs, alternativement émetteur ou récepteur. Les neurones modulateurs fonctionnent en radiophonie (diffus) : les informations sont reçues en différents endroits (pour tous) à condition que le récepteur soit réglé à la fréquence de l’émetteur.

  • VERS UN MODELE DE L’INCONSCIENT

Résumé.
Toutes perceptions sensorielles (sensitives) ou affectives (limbiques) stimulent les cellules entre lesquelles des chemins privilégiés créent un état d’équilibre que l’on qualifie de bassin attracteur sur un mode analogique, inconscient et rapide, moins de cent millisecondes, trop rapide pour être traitées en mode cognitif, conscient et lent.

Si le groupe de neurones activés ne correspond pas à un bassin préexistant, le traitement change, grâce à l’action des neuromodulateurs dont la libération augmente. Ils permettent au cortex préfrontal surtout de maintenir l’information assez longtemps pour qu’elle soit traitées dans plusieurs structures. Le signal serait stabilisé, gravé. Un bassin attracteur associé à ces nouveaux souvenirs est stabilisé. Certains éléments analogiques qui n’avaient pas été  perçus initialement seront intégrés dans la réponse cognitive consciente. Certains éléments qui n’étaient pas auparavant rassemblés dans les mêmes bassins attracteurs donnent lieu à la formation de plusieurs nouveaux bassins, d’abord analogiques, mais qui acquièrent progressivement des caractéristiques cognitives. Le sens de certaines perceptions dépend à la fois des bassins initiaux analogiques et ceux qui se forment au fil des expériences et qui contiennent des éléments traités en cognitif.

C’est ainsi que se constituent les souvenirs. La remémorisation consiste à renvoyer l’information cognitive dans les bassins attracteurs analogiques. Ensuite pour se remémorer consciemment, il faut retransformer en cognitif des données stockées en analogique. Par exemple, on se souvient mieux d’un visage si on l’a dessiné (passage de l’analogique au cognitif) que si l’on avait simplement discuté avec cette personne (resté en analogique).

Les bassins attracteurs purs et ceux qui se forment au fil du temps constituent l’inconscient.

A partir d’un certains nombres de bassins attracteurs préexistants et génétiques, le SNC se développe et donne naissance à une infinité de bassins attracteurs : certains innés, et d’autres modelés par les passage en cognitif. Ces bassins se modifient en fonction du vécu, et sous l’effet des psychothérapies, et donnent naissance à un inconscient dynamique.

Cet inconscient dynamique est différent de la mémoire prcédurale, implicite ou automatique.

Il existe deux inconscients, l’un cognitif, et l’autre dynamique. Les lapsus ou actes manqués sont le résultat de l’’irruption de l’inconscient dynamique dans l’inconscient cognitif. Les bassins attracteurs de ces deux inconscients se recoupent. Un pianiste, qui peut jouer automatiquement, ne jouera pas de la même manière face à un public.

L’inconscient dynamique pourrait correspondre à l’inconscient psychanalytique freudien.

L’inconscient dynamique est le seul à l’œuvre quand les neuromodulateurs ne fonctionnent pas, notamment durant le sommeil, quand il n’y a plus d’entrées sensorielles. Et durant l’éveil, notre cerveau oscille entre traitement conscient et inconscient ; les neurones modulateurs sont alors activés, et nous permettent d’avoir accès à notre conscience, mais n’empêchent pas l’inconscient de fonctionner. Les deux circuits fonctionnent en parallèle. Le réseau des modulateurs gère le travail conscient tandis qu’un autre réseau travaille avec ou sans modulateurs.

L’activité de la dopamine ne s’arrête jamais totalement, elle diminue pendant le sommeil mais ne cesse pas, de sorte qu’elle intervient vraisemblablement dans le traitement de l’inconscient, en particulier au niveau limbique, siège des émotions. En revanche, les activités de la noradrénaline et de la sérotonine diminuent avec la profondeur du sommeil et s’arrêtent totalement pendant le sommeil paradoxal. Durant le sommeil, ce sont surtout le GABA et le glutamate – et en partie da dopamine – qui stabilisent les bassins attracteurs.

Au cours du sommeil, les informations ne sont traitées qu’en analogique, avec pour conséquence une stabilisation des bassins qui se sont formés durant l’éveil.

Si au cours du sommeil, un bruit active le système neuromodulateur, soit le signal n’est pas assez intense pour réveiller, et l’information ne progresse pas jusqu’au cortex frontal, il y aura éventuellement un rêve en relation avec le bruit ; soit le signal est très intense, le neuromodulateurs sont activés, on reprend alors conscience, et on identifie le bruit.

L’information sensorielle parvient au cortex primaire correspondant via le thalamus. Si l’activation est rapide (moins de 30 millisecondes), l’information progresse peu, elle est évanescente, les neurones modulateurs n’interviennent pas, l’information n’atteint pas le cortex et n’est pas consciente. Si la stimulation dure plus (plus de 60 millisecondes), elle passe par le cortex primaire, sans mémorisation, puis sera prise en charge par les aires associatives, et devient accessible à la conscience. L’information passe par l’hippocampe, qui joue un rôle essentiel dans la mémorisation. Le conscient n’entre en scène que pour les stimulations de plus de 60 millisecondes.

  • EPILOGUE

Les lapsus, par exemple, correspondent à des activations erronées de bassins attracteurs proches, et les conflits cognitifs ont déclenché, par l’activation simultanée de bassins, des réponses incohérentes.

Au plan neurobiologique, les neuromodulateurs jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement inconscient : quand certains d’entre eux (la noradrénaline et la sérotonine) cessent d’être produits, pendant le sommeil paradoxal, le mode analogique est activé. Au contraire, la dopamine reste active tout le temps même si sa libération évolue durant les différentes phases de sommeil. Ces modulateurs façonnent donc les réseaux de neurones – les bassins attracteurs – où sont stockés les souvenirs, en modifiant la sensibilité et la réactivité des neurones constitutifs. Mais ils ont aussi d’autres fonctions, puisqu’ils jouent aussi dans la peur, le plaisir, l’addiction, etc …, et ils régulent l’humeur, p.ex. la dépression.

Les images cérébrales (médicales) ne peuvent enregistrer encore qu’une somme de millions d’évènements cumulés chaque seconde.

Les neurones miroirs du singe ne correspondent pas aux fonctions plus complexes qu’un simple contrôle moteur chez un humain observant quelqu’un exécutant une tâche.

Les concentrations sanguines de noradrénaline et de sérotonine ne donnent en aucun cas des informations sur leur concentrations dans le cerveau, car la barrière hémato-encéphalique  protège le cerveau d’une grande partie des produits qui se trouvent dans le sang. Qui plus est, ce n’est pas la quantité de telle ou telle molécule qui importe, mais les conditions dans lesquelles elle est libérée.

Les antidépresseurs ne peuvent empêcher la rechute pour la moitié des patients. La stimulation magnétique transcrânienne, la méditation en pleine conscience, l’EMDR, la luminothérapie, le sport, une alimentation ciblée ou un traitement par les plantes, ces méthodes ont une efficacité prouvée scientifiquement mais efficacité partielle. Car l’inconscient est ignoré. Le trouble dépressif correspond à un trouble psychique en résonnance avec l’inconscient du patient. Certaines personne sont plus vulnérables en fonction de leur histoire.

L’artiste, en « état de grâce », lâche prise pour laisser s’exprimer les éléments analogiques qu’il traduit sur sa toile ou dans un concert.


Freud a fait sortir l’inconscient de l’ombre.

Conférence – présentation du livre

résumé par : philippe.cattiez@skynet.be