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Christiane Poncelet - La rencontre avec Lucien Mélèse

L. Mélèse nous a d’Melese400abord présenté les 15 premières séances de l’analyse d’une jeune fille de 23 ans, belle, blonde, pleine d’aisance, fascinante par sa beauté et sa parole. Elle venait le voir, lui, parce qu’elle avait eu des crises d’épilepsie et qu’elle était sur le point de partir aux Etats-Unis, ce qui ne manquait pas de la rendre anxieuse. Un médecin lui avait prescrit du gardénal à vie, L. Mélèse interprète cette prescription comme “l’angoisse et la jouissance de ce médecin prescripteur”. Quant à ce qui le concerne, “je lui éclaire ma conjoncture” nous dit-il. Les 15 séances sont celles qui précèdent le départ aux Etats-Unis, mais elle reviendra le voir 11 ans plus tard….

Tout le matériel  des séances, m’a semblé être là pour expliciter sa méthode. Méthode élaborée à partir de son travail avec des épileptiques, travail qui a fait évoluer son appréhension théorique et technique de la cure. Ces personnes sujettes à des “crises”, il nous montre à quel point elles amplifient, présentifient des questions qui nous concernent tous, questions susceptibles de déclencher des “Crises” à différentes étapes de la vie, dans certaines circonstances.
Cette méthode, il ne la réserve pas au seul épileptique mais il nous montre qu’elle est en quelque sorte une manière de renouveler certaines positions analytiques, une façon de sortir de certaines impasses dans lesquelles la psychanalyse se trouve devant la modernité et ses conséquences. Cette méthode reprend l’héritage de Ferenczi : plus active et questionnante que le traditionnel “silence de l’analyste” elle fait penser, par certains aspects, à “l’analyse active”. Cette méthode est profondément pensée et s’est laissée inspirée par les avancées lacaniennes.
Pour préciser comment il conçoit la règle d’abstinence, il nous dira qu’il s’agit de ne pas mettre son moi d’analyste à la place du vide. Les vies doivent rester séparées, et le risque de séduction est surtout la séduction par nos théories…

Parlant de forclusion partielle entre les éprouvés et les représentations, L.Mélèse propose d’éclairer la confusion qui s’ensuit, par l’insistance sur ce qui est ressenti, en amenant éventuellement des éléments ressentis par l’analyste…Ce que celui-ci capte à ce niveau de l’éprouvé corporel, aussi bien chez son analysant qu’en lui même « en résonance avec ce patient, il ne le laisse pas passer ». Il précise toutefois l’importance que ce soit réciproque, mais non symétrique, ce qui serait  s’égarer dans la fusion.

Quelques autres points de  sa méthode :
Ce qu’il appelle “le small talk” qu’il compare à la palabre. Une façon de rentrer en contact, “de tous les côtés à la fois”. Ce qui permet d’insister sur la parole comme lieu de rencontre, comme relais dans l’ humanisation en panne, d’une communauté “d’êtres humains ensemble”.
La séance éclatée : quand il y a une extrême résistance ou angoisse, venir plusieurs fois pour une séance. A venir si souvent, quelque chose s’ébranle, un mouvement se met en place.

Ce renouvellement, pensé pour traiter la dimension archaïque et généalogique, est là pour pallier  certains risques. D’abord celui de s’enliser dans une écoute trop exclusivement oedipienne pour laquelle le symptôme est traduction d’un conflit qu’il suffirait de mettre à jour. Le risque aussi d’oublier que le transfert a deux versants, celui de l’analysant mais aussi celui de l’analyste. Risque aussi de se heurter à “la réaction thérapeutique négative” alors que selon la formule lacanienne, il n’y a de résistance que de l’analyste.

Voilà ce qui de sa méthode était illustré par ces 15 premières séances.
Lucien Mélèse nous a donné alors la parole.

Lina a fait une intervention pour opposer à ces innovations (très férencziennes), une position plus fidèle à la doctrine freudienne. Cette intervention marquait une réticence à cet engagement trop personnel, pour insister sur la dimension de la pulsionnalité du “nourrisson savant”.
C’est alors que la discussion s’est vraiment engagée entre les participants. La parole était spontanée, vivante…comme dans le “small talk” peut-être. Je ne peux que ramener quelques points qui m’ont frappée.

Le concept de pulsion peut paraître abstrait à certains, Mélèse avance trois dimensions : celle de l’image inconsciente du corps, celle du signifiant et celle de la généalogie.
L’idée qu’on ne maîtrise pas tout dans un travail analytique, que des choses peuvent être “lâchées” par l’analyste, justement du côté du ressenti…Et que c’était très bien comme cela. L. Mélèse soulignait combien le rire qui s’ensuivait pouvait être un signe d’une mise en jeu de l’inconscient.
Un analyste a alors témoigné d’une séance où il a éclaté de rire, sans en comprendre bien pourquoi, mais que suite à cette séance une amélioration radicale d’un symptôme physique a eu lieu. Il s’agissait d’un psoriasis qui n’a plus reparu par la suite.
Quelqu’un a repris la question du rire, rappelant le rire de Sarah à qui l’ange annonce qu’elle aura un fils, alors qu’elle a plus de 80 ans. Mais le fils naîtra, s’appellera Isaac, “celui qui rit” justement !
On parlera d’un rituel bouddhique dans lequel il s’agit d’offrir un gâteau aux fantômes pour les “remercier” (dans les deux sens), façon subtile de ré-enterrer les “mal-morts”.
C’est ainsi que la dimension sacrée a été prise en compte, non pas le sacré de la religion, mais le sacré de l’âme (Seele) dont Freud nous parle dans “Traitement d’âme”.

C’était une rencontre entre analystes, non plus confinés dans leur discours de Spécialistes, mais dans un certain rapport à leur parole, leur culture, et leur humanité…
Merci à Mélèse qui a créé entre nous ce climat là.
Certains on d’ailleurs souligné l’importance de parler de cette façon là…

Christiane Poncelet